Lucien Bouchard (1938-) Homme politique

Cet avocat, diplômé de l'Université Laval, participe à la Commission Cliche (1974-1975) chargée d'enquêter sur la violence et la corruption dans l'industrie de la construction au Québec. Il représente également le gouvernement dans ses négociations avec les syndicats du secteur public. Nommé ambassadeur du Canada en France par le premier ministre Brian Mulroney en 1985, il défend avec succès les couleurs du Parti progressiste-conservateur (PCC) lors d'une élection complémentaire et des élections générales de 1988. Il occupe les fonctions de secrétaire d'État, puis de ministre de l'Environnement, avant de démissionner du gouvernement, en 1990, peu de temps avant l'échec final de l'Accord du lac Meech. Avec un groupe de députés nationalistes, il forme le Bloc québécois (BQ), un nouveau parti chargé de défendre les intérêts du Québec à Ottawa. Avec lui à sa tête, le BQ recueille 54 sièges en 1993 et forme l'opposition officielle. Une myosite nécrosante force l'amputation de sa jambe gauche, en 1994. Cela ne l'empêche pas de jouer un rôle de premier plan pour le camp du Oui lors de la campagne référendaire de 1995. Nommé négociateur en chef de l'entente de partenariat avec le Canada, advenant une victoire du Oui, Lucien Bouchard s'impose comme la personnalité la plus populaire du mouvement souverainiste. Après la démission de Jacques Parizeau, il devient premier ministre du Québec sans opposition en 1996. Il met de l'avant une politique d'austérité qui permet à son gouvernement d'atteindre l'objectif du déficit zéro. Des négociations tendues avec les employés du secteur public et des tiraillements continuels avec Ottawa ponctuent également son premier mandat qui se solde par une victoire serrée - aux sièges, mais pas au vote populaire - en 1998, contre les libéraux de Jean Charest. Constatant que la question nationale ne progresse pas de façon satisfaisante, il démissionne en janvier 2001.
Guy Rocher, « Lucien Bouchard : l'échec d'un rassembleur et d'un rassemblement », Le Devoir, 12 janvier 2001, p. A8.
«...M. Bouchard est d'abord un homme respectable que nous avons respecté dans ces pages, malgré les clivages qu'imposent aux Québécois le débat référendaire. Nous l'avons également appuyé dans de très nombreuses initiatives de son gouvernement. Pourquoi ces éloges? D'abord en raison de ses qualités personnelles, d'intelligence, de compétence, de son remarquable talent politique, qui ont donné au gouvernement qu'il dirige la crédibilité dont il jouit, de son charisme et de son intégrité, qui expliquent l'affection et l'admiration que lui vouent une grande majorité de Québécois. Mais surtout, parce qu'il dispose d'une qualité essentielle, mais rare, chez les politiciens: le courage. Non seulement M. Bouchard a-t-il eu des idées et une vision, mais il a également déployé l'énergie, la détermination et l'audace pour qu'elles se matérialisent. On a beaucoup reproché au premier ministre, surtout pendant ces derniers mois, son attitude autoritaire, dictatoriale même selon certains, notamment face à sa détermination de mener à bien la réforme municipale et les fusions de villes malgré les vifs mouvements de protestation qui ont agité le Québec. Cependant, ce reproche que l'on faisait à M. Bouchard de ne pas favoriser le débat public a souvent fait oublier que le véritable leadership ne consiste pas seulement à palabrer et à écouter jusqu'à la paralysie, c'est aussi de trancher, de faire des choix, surtout quand les consensus ne sont pas là. Le vrai leadership, c'est aussi décider, et c'est ce que Lucien Bouchard a fait à plusieurs reprises. »
Alain Dubuc, « Lucien Bouchard, un grand premier ministre », La Presse, 12 janvier 2001, p. A12.
«...Las, a-t-il rappelé, avec la fonction de premier ministre, qu'il a adoré et assumé avec un enthousiasme parfois implacable, venait celle de président du Parti québécois et l'obligation de réaliser la souveraineté du Québec « dans le mandat ». Courte échéance pour un homme qui a vu bien des partenaires de la souveraineté, Mario Dumont, et une majorité de Québécois refuser de le suivre, alors que les éléments les plus convaincus de son propre parti lui reprochaient sa tiédeur. Il aurait peut-être pu vivre avec cela s'il avait entrepris de changer son parti. Mais il ne s'en jugeait pas capable. « Il n'y a pas un leader souverainiste qui puisse dire: la souveraineté, c'est fini! », me disait-il après avoir pris la direction du PQ. Ce qui a fait le plus mal à Lucien Bouchard, ce n'est pas d'avoir constaté qu'il n'était pas l'homme de la situation - il n'y en avait peut-être pas de « conditions gagnantes » après tout. Ce qui l'a blessé le plus, c'est « l'étonnante impassibilité » des Québécois qui l'ont laissé prendre des claques et quelques coups en bas de la ceinture sans même s'en émouvoir. »
Michel Vastel, « L'échec annoncé », Le Soleil, 12 janvier 2001, p. A12.
«...He could never be a true revolutionary because the fires burned in him only part of the time. He leaves office with the fires out. But his story will emblazon the pages of Canadian history forever. Perhaps no man has ever come as close to both unifying a country and destroying it as Lucien Bouchard. This brilliant, brooding force, this deeply fragile and suspicious colossus helped march the country to the brink of a new unity agreement with Meech Lake, only to flee the temple in the dying days. He then turned around and marched the country to the brink of breakup with his demagogic fury in the 1995 referendum campaign, only to fall short by a sliver. Having failed as both the great healer and the great divider, he leaves office with limbo as his legacy. His brother Roch once described Lucien Bouchard as having « a force of will that was indestructible. » But in the end the premier buckled under the strain, a victim, likely, of his own vacillations. »
Lawrence Martin, « A legacy of limbo », The Gazette, 12 janvier 2001, p. B3.
«...Lucien Bouchard is a formidable politician, a man of keen intellect, great integrity and undeniable popular appeal. In other circumstances, he would be precisely the sort of leader we would be sorry to see leave public life. In the circumstances of Quebec separatism, with Mr. Bouchard as the most credible spokesman for the cause of wrenching Quebec out of Canada, a federalist can only say : Godspeed. His announcement yesterday that he will resign as Premier of Quebec has the aspect of a good-news, bad-news joke. The good news is that the independence movement will lose its most charismatic defender on the public stage since René Lévesque. The bas news is that Mr. Bouchard's credibility derived in large part from his willingness to put realism ahead of zeal, and his successor is less likely to meet that standard. »
« Lucien Bouchard takes his leave », The Globe and Mail, 12 janvier 2001, p. A14.
«...Les Québécois sont sous le choc. Cinq ans après avoir été porté par la ferveur populaire à la tête de la province, Lucien Bouchard a annoncé sa démission de ses fonctions de premier ministre. Celui qui fut, avec Pierre Elliott Trudeau, décédé en septembre dernier, l'un des hommes politiques les plus charismatiques du Canada moderne, se retire de la vie publique. C'est un homme las, blessé par les déchirements au sein du parti souverainiste qui a expliqué les raisons de cette décision brutale. C'est une maladie insidieuse qui a eu raison de la fougue de Lucien Bouchard : la zizanie. Pris entre les modérés du Parti québécois, partisans de laisser faire le temps pour parvenir à une souveraineté de facto de la province francophone et le noyau radical exigeant la tenue d'un troisième référendum sur l'indépendance coûte que coûte durant cette législature, Lucien Bouchard s'est avoué incapable de « réveiller la flamme souverainiste » et de lutter contre « l'impassibilité du peuple québécois » face aux coups de boutoir du pouvoir fédéral. »
Françoise Lepeltier, « Le souverainisme, orphelin de Bouchard », Le Figaro (France), 13 janvier 2001, p. 3.