Duplessis (1890-) Homme politique

Il est le fils de Nérée Duplessis, un ex-député à l'Assemblée législative (1886-1900) qui a également été maire de Trois-Rivières (1904-1905). D'allégeance conservatrice, comme son père, il subit sa seule défaite personnelle lors des élections provinciales de 1923. Élu dans la circonscription de Trois-Rivières en 1927, il succède à Camillien Houde à la tête des conservateurs en 1933. Après avoir fait une alliance avec l'Action libérale nationale en 1935, il mène les destinées d'un nouveau parti, l'Union nationale (UN), l'année suivante. Sous sa gouverne, l'UN déloge le Parti libéral pour la première fois depuis 1897. Les réalisations du nouveau premier ministre et de son gouvernement ne sont cependant pas à la hauteur des attentes. En 1939, dans le contexte de l'entrée en guerre du pays, les unionistes sont battus décisivement par les libéraux d'Adélard Godbout. Maurice Duplessis revient en force et l'UN reprend le pouvoir en 1944, au terme d'un vote serré. C'est le début d'un règne de seize ans pour celui qu'on surnommera le « Chef » et qui, en tout, a siégé pendant plus de 32 ans à l'Assemblée législative. Ses quatre mandats sont imprégnés d'une vision conservatrice, tant sur le plan social qu'économique. Gestionnaire soucieux d'équilibre financier, Duplessis limite les interventions de l'État et encourage le développement du Québec par les entreprises privées, souvent étrangères. Farouchement autonomiste, il favorise l'adoption d'un drapeau québécois et la levée d'un impôt provincial. Dénoncée par les intellectuels, son approche autoritaire envers le mouvement syndical et son système de « patronage » lui attirent des critiques. Mais une situation économique profitable et son indéniable popularité auprès de l'électorat rural lui permettent de remporter quatre victoires consécutives (1944, 1948, 1952, 1956), avant qu'il ne décède en fonction en 1959. Sa vie a fait l'objet de quelques biographies et d'une série télévisée au milieu des années 70.
Louis-Philippe Roy, « L'hon. Duplessis appartient à l'histoire », L'Action catholique, 8 septembre 1959, p. 1.
«...M. Duplessis a-t-il, comme ses adversaires lui en ont fait le reproche, exploité pour des fins électorales les sentiments et les préjugés de la classe agricole ? Il est peu de politiciens qui résistent à la tentation de cultiver un champ quand il est de bon rendement en votes. Sous ce rapport, le premier ministre défunt ne serait pas tellement plus coupable que la moyenne de ses semblables. Du reste, je crois qu'il y avait plusieurs traits de son caractère qui plaisaient aux auditoires ruraux : l'amour du mot d'esprit et du calembour, le recours aux comparaisons simples tirées de la vie concrète, la crainte des risques démesurés, la peur de l'inconnu. M. Duplessis incarnait quelques bonnes vertus bourgeoises et paysannes; ce n'est pas par pur hasard qu'il eut en majorité de son côté les gros capitalistes et les ruraux; le même phénomène s'observe dans tous les pays démocratiques : États-Unis, France, Grande-Bretagne. Il est peu d'hommes politiques québécois qui aient gardé le vote rural de son côté aussi longtemps et aussi solidement. Au moins pour cela, il mérite de passer à l'histoire. »
Gérard Filion, « M. Duplessis et les cultivateurs : un amour profond de la vie rurale; une grande estime pour la classe agricole », Le Devoir, 8 septembre 1959, p. 9.
«...Celui qui vient de mourir a dominé la politique québécoise depuis 1935. On l'a aimé, haï, estimé, discuté : mais son emprise, passionnément combattue, a été incontestable durant le dernier quart de siècle. (...) Son oeuvre est discutée; il est indiscutable qu'elle marque la province. À deux moments au moins, il a incarné la résistance du Québec au centralisme d'Ottawa et ainsi modifié la politique fédérale. C'est peut-être son plus sûr titre à la reconnaissance de ses compatriotes. Vue de loin, une vie semblable, marquée par d'innombrables succès, semble brillante. Examinée de près, elle apparaît bien plus austère, à cause de la solitude à laquelle est condamné celui qui exerce l'autorité et des renoncements qu'exige une pareille carrière. Elle se termine alors qu'elle semblait à son zénith. Maurice Duplessis n'aura pas connu l'amertume d'une ultime défaite, ou d'une longue et pénible maladie. Il tombe comme un combattant. »
André Laurendeau, « Sans avoir connu l'amertume de la défaite, M. Duplessis tombe comme un combattant », Le Devoir, 8 septembre 1959, p. 8.
«...Il était né pour le combat politique. Moins attaché aux théories qu'à certains principes dont il n'acceptait pas qu'on discutât la pérennité, il avait le don du raccourci qui dramatise une situation et son esprit toujours en alerte savait tirer profit de l'événement le plus fortuit. (...) Parlementaire habile, orateur écouté, jouteur infatigable, M. Duplessis devait marquer profondément notre vie politique. L'histoire jugera son oeuvre; mais déjà son nom forme une tête de chapitre. Porté au pouvoir à l'heure où toute une génération, nourrie dans l'oeuvre de l'abbé Groulx, proclamait sa foi dans la fondation d'un État français, le chef de l'Union nationale allait devenir rapidement le symbole de l'autonomie provinciale. Non pas parce que lui-même jugeait que celle-ci était incompatible avec l'unité nationale, mais parce qu'il était persuadé que le pouvoir devait logiquement s'exercer là où les Canadiens de langue française se trouvaient en majorité. Sa politique eut ses partisans; elle eut aussi ses adversaires. Mais si son combat contre la « centralisation » fut parfois discuté et si certains qui n'aimaient pas sa conception du pouvoir l'ont jugé sévèrement, il n'en reste pas moins que tous admiraient chez lui la passion du travail, la spontanéité du geste et le sens de l'humour. »
« Maurice Duplessis : il a marqué profondément la vie politique du Québec », La Presse, 8 septembre 1959, p. 1.
«...Il s'était imposé depuis longtemps sur le plan national avec la lutte de tous les instants qu'il a menée contre le pouvoir fédéral pour le respect de l'autonomie et des droits de sa province en particulier. La lutte constitutionnelle qu'il a livrée seule d'abord en avait fait le leader des dix provinces du pays. Lors de la dernière conférence des ministres des finances tenue à Ottawa, il y a quelques mois, une fois de plus il avait été la figure dominante et tous les observateurs avaient noté cette tendance des autres chefs provinciaux à se ranger peu à peu derrière lui. À ce titre et à beaucoup d'autres, le premier ministre restera une figure dominante de l'histoire politique de notre province et de notre pays. Fidèlement attaché à ses origines, à la tradition, à nos institutions sociales et religieuses, il fut un autonomiste irréductible. L'histoire seule pourra déterminer toute l'ampleur du rôle qu'il aura joué dans ce domaine, comme dans plusieurs autres, mais déjà on est forcé d'admettre que sans lui, la province de Québec ne serait pas ce qu'elle est. »
« Le jugement de l'histoire ne pourra effacer celui de ses contemporains », Le Soleil, 8 septembre 1959, p. 4.
«...Le fait est que dans sa dernière bataille, il aura montré une ténacité, une combativité égale à celle qui le caractérisa pendant toute sa vie publique dans le domaine des idées et de la gouverne politique. Sa fougue, une fermeté indiscutable que ses adversaires trouvaient embarrassante, un tempérament bien particulier pour un homme public et une disposition de caractère que l'on sait, lui auront valu de se faire appeler « un dictateur ». Politicien né, il en aura cultivé toutes les qualités dans un sens, et aussi, les faiblesses dans un autre. Mais celles-ci, on les lui pardonne toutes aujourd'hui. Souvent, on aurait dit qu'il était tout le cabinet ! Voire même tout le gouvernement ! Les incidents de sa vie politique pullulent qui le découvrent nettement dans ce cadre. On aurait pu aller plus loin et dire : « Il était plus qu'un gouvernement; il était toute une constitution ! » Et Dieu sait qu'il s'y connaissait en fait de constitution ! (...) il aura été probablement et sans conteste le chef politique le plus discuté et le plus en vedette, parce que sans doute le plus tenace, le plus obstiné et, on peut le dire, le plus violent. »
Louis-C. O'Neil, « Il y a 26 ans, M. Duplessis fut élu à la tête d'un parti », La Tribune, 10 septembre 1959, p. 22.
«...No man knew better than Premier Duplessis that Quebec must grow; no man ever did more to encourage that growth. But he always believed that the roots are of greater importance than the branches, even though the roots may be hidden in the soil of the past. His purpose was to stimulate Quebec's development in the mid-Twentieth, while also cherishing the heritage of other years, the heritage that gives Quebec its distinctive character and is the very seal and guarantee of its survival. Such a combination of the strains of progress with the anchor of tradition is never easy. It was not easy for him. The tensions, the conflicts, the misunderstandings have been many. Yet in choosing this difficult combination, he was taking up a central position in the main stream of Quebec's history. His success in this position is seen in the very fact that factions formed both to his right and to his left. »
« Hon. Maurice Duplessis », The Gazette, 7 septembre 1959, p. 8.
«...Mr. Duplessis' methods of government also were open to question. He ruled Quebec as a benevolent - sometimes, not so benevolent - dictator. His Union Nationale organization was one of the strongest political machines Canada has ever seen, and he ran it, and the whole Provincial Administration, autocratically. For critics and opponents, and for groups whose fundamental views disagreed with his own, he had a heavy hand. (...) For all these failings, there can be no doubt of Mr. Duplessis' devotion to his Province and his people, or of his very solid achievements on their behalf. The period of his rule in Quebec was one of rapid growth, in terms not only of industrial expansion but of rising living standards. The stable Administration he gave the Province, and the improvements in public services - from roads to schools - which he organized, contributed very materially to this result. No Government has worked harder to attract investment. (...) Maurice Duplessis was, above al things, « a bonny fighter » who never hesitated to take on any and all opponents in defense of what he considered the rights and interests of Quebec. With his passing, Canadian political life loses much of its color. »
« Maurice Le Noblet Duplessis », The Globe and Mail, 8 septembre 1959, p. 6.
«...Many of Duplessis' civil-rights policies would have been incredible anywhere else in North America : the notorious Padlock Law for political groups he deemed « Communist, » his harassment of Jehovah's Witnesses, the brutal record of his tough provincial cops in labor disputes. Duplessis was sometimes at odds with high Catholic churchmen, but in rural areas, Le Chef, le père, and the preservation of the faith were indivisible. Endlessly he defended « provincial autonomy. » But Duplessis' continuing squabble with Canada's federal government over tax appointment, his refusal to let the Trans-Canada Highway go through Quebec, his refusal to allow Quebec universities to accept sorely needed federal grants, made much sense in French Canada. Quebec, over the eventful 200 years since England's Wolfe beat France's Montcalm on the Plains of Abraham, has kept its identity, even prospered as a French enclave in the continent of les Anglais and the Yankees. A major reason was just this sort of cohesive orneriness. »
« Le Chef is Dead », Time (édition canadienne), 14 septembre 1959, p. 22.