Pierre Marc Johnson (1946-) Homme politique

Fils de l'ex-premier ministre du Québec Daniel Johnson, il possède une impressionnante feuille de route académique, dont des diplômes en sciences politiques, en droit et en médecine. En juillet 1977, quelques mois après l'accession au pouvoir du Parti québécois (PQ), le premier ministre René Lévesque lui confie le ministère du Travail et de la Main-d'oeuvre. Il y fait adopter des amendements au Code du travail qui prévoient, entre autres, l'interdiction au recours à des briseurs de grève. Tout au long des deux mandats du PQ (1976-1985), il occupe des postes importants - ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières, Affaires sociales - qui en font l'une des figures de proue du gouvernement Lévesque. Il remporte décisivement la course au leadership de 1985, la première faite au suffrage universel des membres, et devient premier ministre du Québec à l'âge de 39 ans, 19 ans après son père Daniel. Malgré la popularité personnelle de Pierre Marc Johnson, le PQ est affecté par l'usure du pouvoir, la crise économique du début des années 1980 et la décision du gouvernement de fixer par décrets les conditions de travail des employés du secteur public et parapublic, en 1982. Battu par les libéraux de Robert Bourassa lors des élections générales de décembre 1985, le jeune chef dirige l'opposition jusqu'en 1987. Cette année-là, des divisions internes au sein du PQ, notamment sur le concept de « l'affirmation nationale » défendu par Johnson, entraînent le départ de ce dernier. Il renoue avec l'enseignement et se spécialise, entre autres, dans les questions environnementales. En 1993, son frère Daniel deviendra à son tour premier ministre du Québec, sous la bannière libérale.
Paul-André Comeau, « Le déclin d'un parti », Le Devoir, 11 novembre 1987, p. 8.
«...À partir du moment où une partie substantielle du caucus, sans exiger ouvertement la démission du chef, préférait se solidariser avec (Gérald) Godin qu'avec Johnson, la situation devenait intenable pour ce dernier. Or, qui veut gaspiller ses années les plus productives dans ce genre de bataille ? Qui veut y sacrifier sa vie privée, sa réputation et sa dignité ? Comme tous les politiciens, Pierre Marc Johnson aimait le pouvoir, mais, faut-il conclure, pas à n'importe quel prix. Ses détracteurs voulaient sa démission ? Eh bien ! ils l'ont, je dirais même qu'ils l'ont eue par la tête. À eux maintenant de ramasser les débris du parti, de balayer les assiettes qu'ils ont été les premiers à lancer, et d'en acheter d'autres avec les moyens qui leur restent. Les journaux d'hier publiaient une belle photo : celle de Johnson, étreignant sa femme en riant. La photo d'un homme heureux, qui retourne à sa vie privée, et qui savoure le bon tour qu'il vent de jouer à ses adversaires…et qui n'ignore pas qu'il a deux ans de moins que Robert Bourassa quand ce dernier a été expulsé de la politique, à jamais croyait-on. »
Lysiane Gagnon, « Les caribous », La Presse, 12 novembre 1987, p. B3.
«...Comme politique, M. Johnson se voyait déjà premier ministre à tout le moins pour un mandat complet, en 1985. L'usure du régime péquiste en décide autrement. Homme essentiellement de pouvoir, il se retrouve paradoxalement dans l'opposition et peut-être pour très longtemps au gré de la popularité persistante du gouvernement Bourassa. Cela, le démissionnaire le savait. Mauvais débatteur, M. Johnson ne marque des points contre M. Bourassa que dans le dossier linguistique, l'an dernier. Mais comme, depuis lors, le premier ministre cultive savamment l'art de l'esquive devant cette énorme pelure de banane, son vis-à-vis péquiste se cherche et improvise impulsivement dans son rôle de chef de l'opposition qu'il décide, de manière un peu irresponsable d'ailleurs, d'exercer à l'extérieur du parlement cet automne. Cela, nous le savons. En claquant la porte, hier, il place certes les « caribous » péquistes dans l'embarras mais aussi ses supporteurs fidèles dans le trou et les Québécois en quête d'une contrepartie aux libéraux omnipotents. »
Jacques Dumais, « Vers un parti unique au Québec », Le Soleil, 11 novembre 1987, p. B4.
«...In the end, Pierre Marc Johnson fell victim to the same basic contradiction inside the Parti Quebecois that he used to wrest control of the party from the hands of its founder, René Lévesque, two years ago. Mr. Johnson could not show his supporters a sure-fire way to regain power in Quebec while preserving the party's fundamental raison d'être : independence for Quebec. A prudent politician and a moderate Quebec nationalist, Mr. Johnson was a believer in « national affirmation », a buzzword he coined to distance himself from the more separatist leanings of party luminaries such as former finance minister Jacques Parizeau and former cultural affairs minister Camille Laurin. (...) The public reaction to Mr. Lévesque's state funeral also highlighted the fact that Mr. Johnson's public personality is diametrically opposite to that of Mr. Lévesque. Mr. Lévesque was a populist, driven by a search for revolution and moved by a grand vision of the future. With his prematurely grey hair and austere beard, cool and reserved Mr. Johnson looked more like an aristocrat, like a man who had reasons and plans, instead of urges and visions. »
Benoît Aubin, « Power, independence formula eluded this prudent politician », The Globe and Mail, 11 novembre 1987, p. A1-A2.
«...Depuis son accession à la tête de sa formation en octobre 1985, Pierre-Marc Johnson, ancien ministre de la justice et du travail du cabinet Lévesque, n'a jamais véritablement réussi à refaire l'unité d'une formation déjà déchirée entre les indépendantistes « purs et durs », de moins en moins nombreux, et les réformistes qu'il conduisait. Ces derniers souhaiteraient tirer une fois pour toutes les leçons de l'échec du référendum de 1980. Ils voulaient que leur parti se contente à court terme de militer en faveur d'un accroissement des pouvoirs du Québec au sein de la Confédération canadienne avant de chercher à promouvoir la souveraineté de la province. Cette thèse de « l'affirmation nationale », élaborée par M. Johnson et adoptée lors du dernier congrès de juin, n'avait guère enthousiasmé les militants, surtout ceux de la vieille garde, qui pensaient que le parti perdait ainsi « son âme » et sa raison d'être. (...) L'émotion des foules lors des funérailles de René Lévesque a incontestablement fait de nouveau vibrer la fibre nationaliste des Québécois, devenus soudain nostalgiques. Par contraste, la personnalité de M. Johnson ne pouvait qu'apparaître plus terne à ceux qui lui reprochaient déjà sa froideur, son côté trop cérébral et son manque de charisme. »
Martine Jacot, « Le chef du Parti québécois donne sa démission », Le Monde (France), 12 novembre 1987, p. 4.