Paul Sauvé (1907-) Homme politique

Il grandit dans un environnement politique alors que son père, Arthur Sauvé, est à la tête du Parti conservateur provincial de 1922 à 1929, avant de siéger à la Chambre des communes dans le gouvernement de Richard Bennett. Pour sa part, Paul fait son entrée à l'Assemblée législative sous la bannière conservatrice en 1930, à l'âge de 23 ans. Réélu en 1931, puis battu par 14 voix en 1935, cet avocat de formation joue un rôle actif dans la création de l'Union nationale (UN), quelques mois plus tard. Élu député en 1936, il remporte cinq élections consécutives par la suite - 1939, 1944, 1948, 1952, 1956 - , toutes dans la circonscription de Deux-Montagnes (la même que son père). Il participe au débarquement en Normandie, en 1944, à titre de Commandant en second des fusiliers Mont-Royal, et reçoit plusieurs décorations, dont la Croix de guerre française. Ministre du Bien-être social et de la jeunesse (1946-1959) pendant les années de gloire du gouvernement de Maurice Duplessis, il succède à ce dernier au poste de premier ministre lorsqu'il décède, en septembre 1959. Le « désormais » qu'il prononce et l'ouverture qu'il manifeste dans certains dossiers languissants donnent l'impression que le Québec est sur le point d'amorcer un virage majeur. Sa mort, le 2 janvier 1960, à peine quelques mois après son assermentation, marque une étape décisive dans le déclin de l'UN. Selon la plupart des observateurs, elle favorisera le retour au pouvoir des libéraux en juin 1960.
Louis-Philippe Roy, « Mission accomplie ! », L'Action catholique, 4 janvier 1960, p. 1.
«...Tout de suite on se sentit en présence d'un chef : il savait commander et se faire obéir. Mais il ordonnait sans brusquerie, sans agressivité, avec une sorte de détachement; il était un chef lucide et serein. Tout de suite aussi, l'on vit qu'il avait de l'ampleur dans les vues, et qu'il voulait attacher son nom à une oeuvre. Il était prêt : ce qui permet de deviner peut-être des heures d'impatience jadis, de mesurer combien sa fidélité dut à certaines heures avoir de prix, de comprendre combien il avait réfléchi sur l'ensemble de la société québécoise. Eut-il le pressentiment que son règne serait court et qu'il lui faudrait faire vite ? Il s'y attaqua avec ce qu'on appellerait de l'avidité si l'on ne gardait si vifs à la mémoire le calme de son allure et cette maîtrise de soi dont il ne se départit à aucun moment. Ce qu'il a réussi à accomplir en une centaine de jours, on l'énumère ailleurs, et cela impressionne. Qu'est-ce, cependant, au regard de ce qu'il nous a montré comme possible ? Partout où il l'estimait nécessaire, il a rompu avec un passé encore proche; et il a posé une série d'amorces. À cela se résume son oeuvre, c'est-à-dire qu'elle ne se résume pas. C'est à peine le vestibule de la demeure qu'il entendait bâtir aux siens. »
André Laurendeau, « In memoriam Paul Sauvé », Le Devoir, 4 janvier 1960, p. 4.
«...Il est toujours difficile d'accepter la succession d'un homme (Duplessis) qui s'est longtemps identifié à toutes les phases de l'administration de la province. Avec autant d'élégance que de fermeté, avec le respect constant des idées et des hommes, avec un souci du passé qui ne fût pas une entrave aux sollicitations du présent et aux perspectives de l'avenir. Paul Sauvé prit à peine quelques semaines pour se hausser à son nouveau rôle, pour révéler à tous sa taille véritable. Fidèle et discipliné aussi longtemps qu'il était dans le rang, il était désormais un chef dans toute la plénitude du terme, sans arrogance comme sans forfanterie, seulement préoccupé des intérêts supérieurs qui devenaient son merveilleux et redoutable fardeau. Les initiatives du dernier trimestre sont encore présentes dans toutes nos mémoires. Elles dénotent un goût très vif de la chose publique, allié à une crainte salutaire de l'immobilisme, de l'engourdissement. Ce qui était sage hier peut fort bien ne l'être plus aujourd'hui ; des besoins nouveaux se créent, un esprit neuf surgit, c'est le devoir de l'homme d'État de correspondre aux premiers et de comprendre le second. »
Roger Duhamel, « Paul Sauvé, frappé en plein vol », La Patrie, 10 janvier 1960, p. 96.
«...En quelques semaines, en quelques jours pourrait-on dire, il s'était imposé à l'attention de tous dans un rôle nouveau pour lequel il avait reçu une préparation comme peu d'hommes politiques en ont, celle d'un long exercice du pouvoir qui lui permit, le jour où il assuma la lourde succession de M. Duplessis d'inaugurer une politique nettement personnelle au lieu d'être un simple continuateur. Sans emboucher la trompette du novateur, ni celle du réformateur, il avait dès les débuts pris toute une série de décisions qui portaient le sceau de sa personnalité et il s'était sans délai attaqué aux problèmes les plus épineux de l'actualité politique : subventions aux universités, situation financières des corporations municipales et scolaires, réorganisation de la Commission des relations ouvrières, ... (...) Ses débuts comme premier ministre avaient été prometteurs au point que ses adversaires en étaient presque désarmés et qu'il semblait devoir ramener vers lui quelques-uns de ceux qui commençaient à se détourner de l'Union nationale. »
« Le Québec endeuillé », La Presse, 4 janvier 1960, p. 6.
«...Si bref fut-il, son régime a constitué une transition importante dans la vie du Québec et a été porteur d'oeuvres dont on mesurera mieux l'ampleur avec le recul du temps. Ce fut une ère de décentralisation, un retour au véritable parlementarisme et une revalorisation des institutions démocratiques sous lesquelles nous vivons. Lorsque M. Duplessis mourut, on pouvait dire avec raison que c'était la fin d'une époque pour la province de Québec. De la mort de M. Sauvé on pourrait dire qu'elle marquera le début d'une nouvelle époque à condition que ceux qui prendront la relève le suivront dans les avenues qu'il leur a ouvertes. Il a tracé la voie avec le réalisme dont s'inspirait sa conduite. Il a, pour y parvenir, en si peu de temps, épuisé des réserves d'énergie déjà largement entamées par une vie entièrement consacrée au service de sa province et de son pays, non seulement dans l'arène politique, mais sur les champs de bataille d'Europe, d'où il était revenu couvert de gloire. »
« Nul ne saurait engager les desseins de la Providence », Le Soleil, 4 janvier 1960, p. 4.
«...It had taken courage to do what Mr. Sauve did. He and his colleagues in the Cabinet of the late Mr. Duplessis had lived for years under the shadow of a personality so dominant that the measure of their capacities could not be truly judged. Within days of his appointment Mr. Sauve began to prove that the Crown had made no mistake in its choice. Within weeks he had brought to government and administration a new quality and a new spirit. It was not that he departed in any essential from the principles instilled into the Union Nationale by its founder. The vastly different means he employed stemmed from his temperament and his generation. Paul Sauve's metropolitan background, his experience under fire during the battle of Normandy with many kinds of Canadians, above all his comparative youth, conditioned his approach. (...) ...he moved as a man in a hurry, doing the work of years in weeks. The record at his death is not one of projects unfulfilled but of many forward steps, of forceful, almost irreversible legislation and, above all, of an altered relationship of Quebec to the nation. Entrenched bitterness and ancient quarrel alike began to dissolve, inside the province and out of it. Pulses quickened everywhere. A new dynamic was at work. »
« Tragedy in Quebec », The Montreal Star, 4 janvier 1960, p. 10.
«...Neither Sauvé nor his province had had any hint that he was in anything but perfect health. In all his year's as Quebec's minister of social welfare and youth, and Duplessis' obvious heir apparent, the brisk, well-ordered Sauvé had made no bones that he would rather be relaxed than be Premier. After September, he appeared to have little trouble being both. (...) But in his relaxed 114 days as Premier, Sauvé imposed a promising new look on Quebec politics - and did it so adroitly that he was even admiringly mentioned as a future Prime Minister of Canada. A good example of his fresh approach came on the national telecast. Would Quebec participate in the Trans-Canada highway, long blocked by the prickly, provincial righter Duplessis ? « This is not a question of autonomy, but a business proposition, » replied Sauvé. Sauvé stole much of his Liberal opposition's thunder by starting provincial reforms, gave every indication of restoring order to Quebec's relations with Ottawa, buttressed his Union Nationale for an expected election in spring or early summer. »
« Quebec : Death of the Premier », Time (édition canadienne), 11 janvier 1960, p. 13.
«...Rarely in Canadian history has a promising political career been cut short with such brutal abruptness as that of Premier Paul Sauve, who died in Montreal Saturday morning at the relatively early age of 52. (...) Brief as was Mr. Sauve's tenure of the premiership, he left his mark on the history of his Province. He came to power at a time when industrialization was transforming the life of Quebec. The regime to which he succeeded was an intensely conservative one. In his determination to protect the autonomy and traditions of the Province, Premier Duplessis tended to resist the forces of change at all points, and sometimes far too long. Mr. Sauve was equally resolute to defend what both men considered essential institutions and ideas, but he was ready to make changes that appeared overdue. (...) Mr. Sauve, while equally insistent on maintaining Quebec's autonomy, took a more co-operative line. »
« Joseph Mignault Paul Sauvé », The Globe and Mail, 4 janvier 1960, p. 6.