Antonio Barrette (1899-) Homme politique

Cet ancien employé du Canadien National milite pendant plusieurs années au sein du Parti conservateur provincial avant d'être défait lors des élections générales de 1935. Élu au sein du premier gouvernement de l'Union nationale (UN), en 1936, il ne subira plus jamais la défaite dans la circonscription de Joliette qu'il représente sans interruption jusqu'en 1960 (1939, 1944, 1948, 1952, 1956, 1960). Un des piliers du parti de Maurice Duplessis, il assume les fonctions de ministre du Travail de 1944 à 1960, une période pendant laquelle gouvernement et syndicats sont souvent à couteaux tirés. Le décès de Maurice Duplessis, puis celui de Paul Sauvé l'amènent à occuper les fonctions de premier ministre du Québec de janvier à juin 1960. Ce court mandat laisse peu de traces. Le choix d'Antonio Barrette comme chef ne réussit pas à cimenter l'establishment du parti qui est divisé à l'approche de l'échéance électorale du 22 juin. Même s'il se présente comme le candidat de la continuité - « les trois grands : Duplessis, Sauvé, Barrette » - , il ne réussit pas à soulever l'enthousiasme des électeurs face aux libéraux de Jean Lesage qui incarnent le changement. La victoire de ces deniers entraîne le départ de Barrette qui quitte la direction de l'UN et son siège à l'Assemblée législative quelques mois plus tard. Il sera par la suite ambassadeur en Grèce, de 1963 à 1966. La publication de ses Mémoires, en 1966, ramènera brièvement son nom dans l'actualité avant qu'il ne décède deux ans plus tard.
Louis-Philippe Roy, « Un geste courageux et révélateur », L'Action catholique, 16 septembre 1960, p. 4.
«...S'il avait conduit ses troupes à la victoire, M. Barrette se fut sans doute trouvé plus armé - et en même temps plus ligoté. Il aurait eu derrière lui la puissance de l'État. Il l'a perdue. Malheur aux vaincus. Mais ici, le vaincu se défend, tente de restaurer une autorité compromise. Il échoue. Alors il dit : je m'en vais, mais on saura. Ainsi le départ de M. Barrette est un jugement porté conte l'Union nationale comme elle est actuellement. Il dénonce à la province entière ceux qui se sont interposés entre lui-même et les réformes nécessaires. Il leur porte, par sa démission, le pire coup. Car, présent et impuissant, il lui aurait fallu les couvrir. Un chef, tant qu'il a les apparences de sa fonction, ne saurait se plaindre à l'opinion d'être un chef sans pouvoir. Et dans un parti sans cadres démocratiques, à qui en appeler ? Qui tenter de convaincre ? Ne pouvant faire sauter l'obstacle, il s'en va; mais il désigne à tous cet obstacle. Il déclare par avance que le prochain chef, à moins de changements radicaux, ne sera pas plus chef que lui-même, qu'il rencontrera la même barrière, le même mur d'argent. »
André Laurendeau, « M. Barrette leur assène sa démission sur la tête », Le Devoir, 16 septembre 1960, p. 4.
«...S'il y a une certaine élégance dans son geste, puisqu'il cède volontairement avant d'être vaincu par une faction rivale, il y a aussi un climat de violence - la violence des doux - puisqu'il part en claquant la porte, en prenant le public à témoin de ses bonnes intentions et en dénonçant ouvertement ceux qui, à son avis, s'efforcent de paralyser l'action du chef, s'opposent aux réformes nécessaires au renflouement d'un parti vaincu et divisé, et cherchent à manier derrière la scène les leviers de commande. (...) Dans la bouche d'un homme qui n'a pas la réputation d'être porté à la violence, le mot agonie est extrêmement fort. Il révèle qu'avant d'en venir à cette décision dramatique, le chef démissionnaire a été soumis à des pressions si puissantes qu'elles le plaçaient dans l'intolérable alternative d'avoir à devenir un homme de paille manoeuvré de la coulisse ou de s'en aller. Incapable de résister à ces pressions, refusant d'y céder, il a préféré partir. Affaire d'honneur, cas de conscience, question de prestige ou épreuve de force ? Un peu de tout cela peut-être. Cela reste, pour l'instant du moins, son secret. »
« La démission de M. Barrette », La Presse, 15 septembre 1960, p. 4.
«...Ceux qui ont assisté à l'entrevue émouvante de M. Barrette avec les journalistes ne pouvaient s'empêcher d'évoquer la nuit désormais historique du 22 juin dernier, quand, parlant à la population de sa demeure de Joliette, il terminait en clamant sa confiance dans l'avenir par ces mots : « L'Union Nationale est un parti fort...l'Union Nationale reviendra...! » On sent bien aujourd'hui que cette double affirmation sur ses lèvres étaient (sic) plus le reflet d'un souhait, que l'expression d'une réalité à laquelle il croyait. Aujourd'hui, conscient de son impuissance à amorcer une réforme de son parti, il a choisi la décision la plus sage. Il abandonne à d'autres la tâche : une tâche impossible dans les circonstances. À moins qu'on ne fasse confiance à une équipe nouvelle, que le parti ne se rajeunisse du tout au tout : rajeunissement des hommes et de la doctrine, ce sera, à plus ou moins brève échéance, la mort définitive de l'Union Nationale : qui pourra difficilement éviter d'autres défections, d'autres départs et l'abandon d'une foule considérable de ses partisans qui avaient une réelle admiration pour l'Hon. Antonio Barrette, admiration dont il était digne si on en juge par son attitude courageuse et désintéressée. »
« Le départ de M. Barrette », Le Soleil, 15 septembre 1960, p. 4.
«...M. Barrette n'a pas fait de mystère autour des motifs de sa démission. Il a carrément dit aux journalistes qu'il n'avait pu s'entendre avec trois organisateurs influents du parti : MM. Jean Barrette, Gérald Martineau et Jos.-D. Bégin. Il était déjà de notoriété publique que la dissension existait et le groupe Martineau-Bégin semble bien l'avoir emporté. (...) Un chef choisi depuis peu de temps, qui ne jouit pas de la confiance entière de son entourage et qui pour comble, ne parvint pas à conduire ses troupes à une victoire électorale alors que son parti détenait le pouvoir depuis plusieurs années peut difficilement se maintenir en place. En politique comme à la guerre, les vaincus ont presque toujours tort. M. Barrette peut être considéré comme la victime de cette loi inéluctable. »
« Les vaincus ont toujours tort », La Tribune, 16 septembre 1960, p. 4.
«...Had Mr. Barrette's leadership met with prompt success, he could have used the growth of his personal and practical prestige to assert control over his followers. But having entered the election as the one who had been chosen to reconcile internal differences, he was inevitably faced with these differences in a sharper form than ever as soon as the party went down to defeat. Mr. Barrette had, in his brief period as premier, taken a number of important steps to re-interpret policies and to bring about revised attitudes. But the time was too brief. After the defeat he several times stressed the importance of a party revision - a revision that would have to be accompanied by the removal from party office of a number of persons. But only a leader in a very strong position could have accomplished what he sought. The circumstances under which he had become a leader, and the blow of defeat that fell heaviest, even if unfairly, on him, had weakened his position. Resignation was the inevitable, and the proper, step. »
« Political changes in Quebec », The Gazette, 16 septembre 1960, p. 7.